80 milliards d’économies …
c’est possible !
Source : Capital Mis à jour le 02/01/2012
Le plan antidéficit du gouvernement prévoit surtout d’augmenter les prélèvements. Pourtant, côté dépenses inutiles, il y a de quoi faire…
Vous n’avez pas fini d’entendre parler de la réduction du nombre d’agents de l’Etat. Tout du moins jusqu’au 6 mai 2012. La suppression de 150 000 postes est une mesure phare du quinquennat de Nicolas Sarkozy, la preuve de son combat contre un endettement dont l’administration centrale représente 79,7% : la paie des fonctionnaires mangeant 40% des dépenses de l’Etat, le mal est attaqué au cœur. Qu’on se le dise !
Mais les résultats se font attendre. Selon un rapport rendu en octobre par trois députés (un PS, deux UMP), cet effort n’a permis de gratter que 182 millions d’euros par an, deux fois moins que prévu. En cause : «Le retour vers les agents des économies dégagées.» Comprenez que pour faire avaler la potion aux syndicats, le gouvernement a distribué de généreuses primes qui ont mangé les gains escomptés.
Le problème, c’est que la France n’a plus le temps d’attendre les fruits de l’allègement des effectifs. Sous l’œil des agences de notation, prêtes à dégrader la note AAA qui nous permet d’emprunter au meilleur taux sur les marchés, l’urgence est devenue maximale. Alors que le plan Fillon du 7 novembre y répond par la matraque fiscale, rappelons à nos dirigeants obnubilés par les recettes qu’il y a aussi de la marge côté dépenses : cela fait une bonne trentaine d’années qu’elles croissent plus vite que le PIB…
Ainsi, en épluchant les comptes du pays, depuis les voyages du président jusqu’au budget communication de Brest, en passant par l’abus de frais d’ambulance, Capital a débusqué 80 milliards d’euros d’économies possibles rapidement et sans mettre la France dans la rue. D’innombrables gâchis plombent les comptes de l’Etat et ceux des organismes sociaux (leur part de la dette totale a doublé en dix ans, à 11,2%, soit 189 milliards d’euros), sans parler des collectivités locales. Celles-ci n’ont certes pas droit à l’emprunt pour financer leurs frais de fonctionnement, en particulier le gonflement de leurs effectifs d’un tiers entre 1996 et 2008. Mais ce train de vie pèse sur l’économie via la hausse des impôts. Quant à leurs investissements, nous les payons tous : en octobre, le Premier ministre a dû débloquer 3 milliards d’euros pour combler leurs besoins d’ici au 31 décembre !
Précisons-le pour nos lecteurs pointilleux : l’addition des gaspillages révélés dans ces pages s’arrête à 50 milliards. Mais nous avions de bonnes raisons de gonfler l’estimation finale. D’abord, chaque dépense superflue identifiée dans une collectivité a des équivalents dans des dizaines d’autres. Ainsi nous racontons comment le Languedoc-Roussillon a payé des PC inutilisés à 32 000 élèves de seconde, mais nous vous faisons grâce des iPad offerts par la Corrèze à ses 2 500 élèves de sixième. Ensuite, nous suggérons souvent un simple rabotage de 10%, même quand un effort plus conséquent est possible. En 2010, l’Etat a distribué 1,48 milliard d’euros de subventions à des dizaines de milliers d’associations. L’enveloppe ayant gonflé de 21% en un an, notre proposition de gagner 148 millions est modeste…
Sommet de l’Etat : 254 millions d’euros d’économies possibles
L’Elysée et le Parlement devraient montrer l’exemple et couper dans leurs dépenses superflues. Il y a de quoi faire.
Nicolas Sarkozy oublie rarement de glisser une enveloppe à un élu méritant. Grâce à une cagnotte de 20 millions d’euros, gérée par le ministère de l’Intérieur, il leur distribue de généreuses «subventions d’intérêt local». Après quoi, il leur écrit : «Par décision du président de la République, il a été décidé de vous accorder…» L’exemple venant d’en haut, on n’imagine pas le Parlement renoncer à financer le clientélisme local, ou le Conseil économique et social cesser de gaspiller les millions même lorsque la France est au bord du gouffre. Comme le mon¬tre notre enquête, le président de la République et le Premier ministre peuvent bien «geler» leurs salaires, ils continuent de vivre comme des monarques d’un autre temps.
Etienne Gingembre
Des enveloppes pour financer le clientélisme parlementaire = 137 millions
La réserve parlementaire est une sorte de caisse noire. Chaque année, l’Assemblée nationale et le Sénat distribuent des crédits à leurs membres (respectivement 79 et 58 millions d’euros en 2011), dont ceux-ci usent à leur guise dans leur fief électoral. Ces enveloppes leur permettent de saupoudrer les collectivités amies ainsi que les associations culturelles, cultuelles ou sportives…
Si le mode de répartition de ces sommes est parfaitement opaque, les élus de la majorité perçoivent notoirement plus que ceux de l’opposition : ainsi Michel Lejeune, député UMP de Seine-Maritime, peut-il distribuer 110 000 euros quand Laurence Dumont, sa collègue socialiste du Calvados, ne dispose que de 41 500 euros. Gérard Larcher, l’ex-président du Sénat, s’octroyait à lui seul 3,4 millions d’euros. De quoi faire bien des heureux. Après le changement de majorité au palais du Luxembourg, on verra si son successeur socialiste, Jean-Pierre Bel, ose mettre fin à cette pratique délétère.
La flambée du pétrole fait flamber les salaires au Sénat = 3,4 millions
Les fonctionnaires du Sénat sont payés trois fois plus cher que leurs collègues de l’Etat. Cette différence est due, en grande partie, à une ribambelle de primes que leur a attribuées la «haute assemblée» au fil du temps. Ainsi – on ne rit pas – ils bénéficient d’une prime individuelle de chauffage, et comme elle est indexée sur les cours du pétrole, elle est passée de 1 500 euros par an en 2000 à 4 035 euros en 2011. En la supprimant, on rendrait 3,4 millions d’euros par an à la République. La nouvelle majorité aura-t-elle ce courage ? L’heure n’est pas à la frilosité !
Les voyages présidentiels plombent le train de vie de l’Elysée = 6 millions
Les dépenses de l’Elysée ont encore augmenté de 5,5% entre 2008 et 2010, pour atteindre 114 millions d’euros, selon les calculs de René Dosière, le député spécialiste de la chasse aux gaspis. Les seuls voyages de Nicolas Sarkozy reviennent à 55 000 euros par jour (20 millions par an). En novembre 2009, une matinée à Colombey-les-deux-Eglises, pour se recueillir sur la tombe du -général de Gaulle, a coûté 284 614 euros. Le président a déplacé trois avions jusqu’à la base aérienne de Saint-Dizier, où trois hélicoptères l’attendaient pour l’emmener à Colombey. Sur place, un chapiteau avait été dressé pour accueillir les corps constitués du département de la Haute-Marne. Figer les dépenses du «château» au niveau confortable de 2008 ferait économiser 6 millions d’euros par an.
Ministères : 35 milliards d’euros d’économies possibles
Impossible de réduire le train de vie de l’Etat ? Les délires administratifs que nous avons repérés, parmi des dizaines et des dizaines d’autres, démontrent exactement l’inverse.
L’Etat représente près de 80% de la dette publique. Logique : contrairement aux organismes sociaux (leurs déficits sont comblés par la hausse des prélèvements) et aux collectivités (leur budget de fonctionnement ne peut être financé par l’emprunt), «il a la liberté d’avoir des dépenses durablement supérieures à ses revenus», notait un rapport remis en 2010 à Nicolas Sarkozy.
Les dépenses sont certes orientées à la baisse (de 26% du PIB en 1993 à 21,5% en 2008), et le gouvernement a redoublé d’efforts en supprimant 150 000 postes de fonctionnaires depuis 2007.Mais les résultats déçoivent : les ministères maîtrisant mal leur masse salariale, les effectifs réduits coûtent souvent plus cher qu’avant. Surtout, il reste beaucoup à faire : réformes évidentes (prélever à la source l’impôt sur le revenu), tabous à briser (mettre la dissuasion nucléaire au régime) et un gros effort d’évaluation pour renoncer aux dispositifs inutiles.
Les zones franches urbaines ne sont pas un franc succès = 1 milliard
Maurice Leroy, le ministre de la Ville, vient de donner son feu vert à la prolongation des zones franches urbaines (ZFU) pour trois ans. Pour 2012, il est trop tard, mais on pourrait se passer pour les deux années suivantes de cet allégement de charges à 500 millions par an accordé aux entreprises qui s’installent dans les quartiers déshérités. Car ce dispositif est loin de «rétablir l’égalité des chances et l’équité territoriale», comme le prétend le ministre.Selon le rapport que lui a remis le député UMP Eric Raoult en juillet dernier, le chômage n’a pas baissé dans les 100 zones concernées, le taux de survie à cinq ans des nouvelles entreprises n’est que de 23,7% et le coût par emploi créé s’étalerait entre 11 000 et 73 000 euros – autant dire que personne ne sait les dénombrer.
Les effets pervers, eux, sont patents : des entreprises déménagent, parfois de quelques dizaines de mètres, pour venir en ZFU et profiter des exonérations, sans effet sur l’emploi ; d’autres s’y domicilient par une simple boîte aux lettres… «Je suis dubitatif, conclut Gilbert Roger, ex-maire PS de Bondy et de sa ZFU, dans le 93, devenu sénateur en septembre. Trop d’entreprises bénéficient des exonérations sans jouer le jeu.» Mais les élus se sont battus pour faire reconduire la formule, par peur d’avoir l’air d’abandonner leurs quartiers. Bref, on dépense plus d’un milliard pour sauver les apparences…
P.C
Les bombardiers nucléaires menacent nos finances publiques = 250 millions
Avec quatre sous-marins de la classe «Le Triomphant» et leurs soixante-quatre missiles M51 dernier cri, la force océanique stratégique fait peser sur un agresseur potentiel, en tout point du globe, une menace nucléaire équivalant à 4 000 Hiroshima. Autant dire qu’elle suffit à rendre notre dissuasion crédible. Alors pourquoi garder une composante aérienne à notre force de frappe ? Survivance de la guerre froide, ces escadrilles (il reste 40 Mirage et Rafale) équipées de missiles ASMP d’une portée de 400 kilomètres avaient pour mission de pénétrer sous la couverture radar en Europe de l’Est pour délivrer une ultime frappe d’avertissement. Ce n’est plus d’actualité, mais les crédits correspondants représentent toujours 250 millions d’euros par an dans le budget des armées, soit 7,5% du coût de la dissuasion française.
E.G
Voies navigables entretient trop de voies peu naviguées = 200 millions
Avec plus de 7 100 kilomètres de fleuves et canaux, la France est le mieux loti des pays européens. Seulement, faute de voies à grands gabarits, le trafic y est marginal (3% des marchandises transportées), comparé à l’Allemagne (12%) ou aux Pays-Bas (33%). Au moins pourrait-on réduire les coûts d’entretien de ce réseau sous-utilisé ! C’est ce que suggère un rapport que l’inspection des Finances a consacré début 2010 à Voies navigables de France, un «grand opérateur de l’Etat» chargé de ce travail : un «déclassement à la navigation» des 1 350 kilomètres de voies les moins fréquentées permettrait de réduire le programme de travaux prévus d’ici à 2014 et de gagner 200 millions d’euros. E.W.
Grands chantiers : 16 milliards d’euros d’économies possibles
Trop chers, démesurés ou inutiles, des dizaines de grands chantiers pourraient être abandonnés ou gelés. Exemples.
Pour ce projet parisien, pas moyen de revenir en arrière. Depuis le printemps dernier, les grues s’agitent, près du bassin de la Villette, sur un chantier à 336 millions d’euros qui devrait s’étaler jusqu’en mars 2014. Des logements sociaux ? Un lycée ? Non, Philarmonie, une salle de concerts symphoniques de 2 400 places signée Jean Nouvel, cofinancée à 90% par l’Etat et la ville, et à 10% par la région Ile-de-France. «Une hérésie budgétaire pour un public d’happy few qui a déjà la Salle Pleyel», fustige un haut fonctionnaire du ministère du Budget. Colère partagée à la commission des Finances de l’Assemblée, qui, en mai dernier, avait voté un amendement supprimant une première dotation budgétaire de 63 millions d’euros. Peine perdue. «Sarkozy et Delanoë tiennent là leur grand chantier culturel», déplore un député UMP.
Si dans le cas de Philarmonie il est trop tard pour stopper les coups de pioche, d’autres projets au rapport coût-utilité désastreux peuvent encore être suspendus : aéroports surdimensionnés, lignes de train à grande vitesse condamnées au déficit, tronçons d’autoroute à 70 millions d’euros le kilomètre comme la future A 831 du Marais poitevin… Souvent initiés lors du Grenelle de l’environnement en 2007 et du plan de relance de 2009, et soutenus par les élus locaux au nom de l’aménagement du territoire, la plupart sont, en outre, financés par des partenariats public-privé boiteux – les fameux PPP – véritables bombes budgétaires à retardement.
Nathalie Villard
Renonçons à l’organisation de l’Euro 2016 ! = 440 millions d’euros d’économies possibles
En laissant à l’Italie ou à la Turquie, autres candidats, le Championnat de foot, nous éviterions le financement public des futurs stades délirants de Bordeaux, Lyon et Nice (photo). Les indemnités de rupture «pour motif d’intérêt général» ne dépasseraient pas 1 million d’euros.
Aucune future ligne à grande vitesse ne sera rentable = 7 milliards d’euros d’économies possibles
A lui seul, le TGV Lyon-Turin coûterait 25 milliards d’euros, dont un tunnel à 8,5 milliards financé à 42,1% par la France, pour un trajet en 1 h 40 au lieu de 4 heures. «Mais qui va de Lyon à Turin ?, s’étrangle l’économiste Rémy Prud’homme. Les lignes à grande vitesse rentables sont faites. Les 2 000 kilomètres prévus d’ici 2020 auront un coût insupportable pour les finances publiques.» Sur cet ensemble, Etat et collectivités doivent en effet apporter 7 milliards, alors que le réseau existant est en piteux état et que son propriétaire, RFF, croule sous 30 milliards d’euros de dettes.
Dans le Pas-de-Calais, la folie d’un tram qui divise encore les élus locaux = 660 millions d’euros d’économies possibles
Pour financer les 37 kilomètres du tramway Artois-Gohelle (deux lignes au départ de Lens et Béthune), les élus locaux n’ont d’autre choix que d’alourdir la dette. Et ils ne s’accordent même pas sur le tracé. Deux bonnes raisons pour dire stop !
Pas d’urgence pour le canal Seine-Nord = 2,1 milliards d’euros d’économies possibles
Vingt ans que ce chantier titanesque est dans les tiroirs… La signature avec le concessionnaire ne devant intervenir qu’en 2012, aucun obstacle ne s’oppose à l’arrêt de ce canal de 106 kilomètres (4,2 milliards d’euros, dont la moitié sur fonds publics) devant relier Compiègne à Dunkerque.
Un port à Montpellier, à 8 kilomètres de la mer : un délire ! = 60 millions d’euros d’économies possibles
Un ascenseur à bateaux, deux écluses et deux heures pour rejoindre la mer : ce projet (300 anneaux au cœur de la ville) est un non-sens économique et écologique.
Un « Pentagone » surdimensionné = 5,5 milliards d’euros d’économies possibles
Construit en partenariat avec Bouygues, le futur ministère de la Défense coûtera in fine 3,5 milliards d’euros à l’Etat. En abandonnant ce projet et en revendant, pour 2 milliards, les 16,5 hectares du site, le Budget économiserait 5,5 milliards.
Santé : 11,8 milliards d’euros d’économies possibles
Incroyable ! Rien qu’en faisant le ménage dans les dépenses de santé, l’ardoise de l’assurance-maladie pourrait être effacée. Et les malades ne sentiraient rien…
N’est-ce pas désolant ? Depuis des années, le gouvernement cherche à réduire le trou béant de l’assurance-maladie (qui atteint 10 milliards d’euros environ) sur le dos des assurés, en augmentant les cotisations tout en réduisant le montant des remboursements. Si bien qu’un nombre croissant de ménages n’arrive plus à se soigner correctement. Alors qu’il y aurait tant de ménage à faire et de gaspillages à supprimer avant d’en passer par là. Entre les médicaments qui atterrissent à la poubelle, les prescriptions inutiles, les examens et les opérations superflus ou encore les transports abusifs en ambulance, le gâchis total s’élève, d’après nos calculs, à une douzaine de milliards d’euros par an. Soit plus que le déficit actuel ! Le prochain gouvernement aura-t-il le courage de s’attaquer à ces gabegies ? Il en va en tout cas de la survie de notre système de santé…
Les actes médicaux superflus plombent les comptes = 1 milliard
C’est à se demander si notre système de santé n’est pas tombé sur la tête. Une radio du crâne pour un traumatisme simple, de l’avis de tous, c’est totalement inutile. Eh bien, on a quand même trouvé le moyen d’en faire plus de 1 million en 2009, pour un coût de 35 millions d’euros ! De même, est-il vraiment nécessaire de dépister le cancer de la prostate sur les personnes âgées puisque, après 74 ans, près de 90% des prostates contiennent… un microcancer ? Pourtant, non seulement on continue de prescrire un tel acte, mais on l’accompagne souvent d’examens complémentaires coûteux (échographie, ponctions multiples qui finissent toujours par découvrir des microlésions…), lesquels s’achèvent souvent par une opération. Et la liste des exemples est longue comme une ordonnance de médecin irresponsable. Au reste, il n’est pas difficile de repérer les actes superflus. Il suffit d’observer les écarts de pratiques entre établissements. D’après la Fédération hospitalière de France (FHF), qui a récemment décidé de dénoncer les abus, les femmes enceintes ont ainsi 25% de risques d’accoucher par césarienne aux CHU de Rouen ou de Reims, alors que la probabilité ne dépasse pas 14% à Poitiers ou à Besançon. Au total, on estime que 5% des opérations pourraient être évitées. Et pour les hospitalisations inutiles, la marge de manœuvre est plus large encore. D’après une enquête très récente de la Direction de l’hospitalisation (Dhos), près d’une journée d’hospitalisation sur cinq effectuée dans les services de médecine n’est pas absolument nécessaire. Dans 40% des cas, il s’agit d’un simple besoin de surveillance et dans 30% d’une simple aide à la vie quotidienne. Si les infirmières doivent aussi jouer les nounous…
L’abus de médicaments pourrait être réduit de près de 20% = 5 milliards
Les médicaments non utilisés nous coûtent cher. Il n’empêche que les Français restent les plus gros consommateurs d’Europe ! En dépit des efforts pour dérembourser les produits dont le service médical est jugé insuffisant – 50 nouveaux produits viennent encore d’être exclus – nous en avalons en moyenne 40% de plus que nos voisins, dont huit fois plus de tranquillisants que les Allemands et six fois plus que les Britanniques. Nous payons aussi 46% de plus pour nos ulcères et nos taux de cholestérol, car les cachets et les sirops sont presque deux fois plus chers chez nous que chez nos voisins (90% de plus selon la Cour des comptes). En vingt ans, leur prix moyen est passé de 3,09 à 6,95 euros, soit une hausse de 130% pour 37% d’inflation générale. Au total, notre dépense a été multipliée par 2,5 depuis 1990 ! Or «entre 20 et 30% de ces prescriptions ne servent strictement à rien», assure Guy Vallancien, urologue et professeur à Paris-Descartes. D’après lui, sur les 27 milliards de médicaments remboursés par la Sécu, on pourrait en économiser au moins 5.
La feuille de soins, une antiquité à oublier de toute urgence = 200 millions
Encore un effort ! Certes, le nombre de feuilles de soins traitées de façon électronique augmente régulièrement depuis dix ans (84% sont désormais télétransmises). Mais près de 30% des médecins – et 42% des spécialistes – ne se sont toujours pas convertis, si bien que 150 millions de feuilles circulent encore chaque année dans l’Hexagone. Or, d’après la Cour des comptes, le papier coûte six fois plus cher que la télétransmission (1,74 euro contre 0,27 euro). A court terme, l’assurancemaladie compte ainsi économiser plus de 200 millions d’euros. Mais elle pourrait gagner bien plus encore si elle se décidait à informatiser aussi le circuit des ordonnances. N’est-il en effet pas absurde que 60% des médecins saisissent aujourd’hui les prescriptions dans leur ordinateur, mais que l’assuré continue de les présenter sous forme papier au pharmacien ? Et que ce dernier soit à son tour obligé de réinformatiser les données pour les transmettre à l’assurance-maladie ? Dont les petites mains sont ensuite contraintes de faire coïncider les factures dématérialisées avec plus de… 600 millions d’ordonnances papier. La Cour des comptes n’a pas chiffré les économies potentielles d’une réforme de tout ce micmac, mais elle est convaincue que ce serait «un relais majeur de productivité». Sans parler de la lutte contre la déforestation…
Collectivités locales : 16 milliards d’euros d’économies possibles
Travaux pharaoniques, effectifs à la hausse, subventions discutables, autopromotion et train de vie confortable… Le millefeuille français est une machine à dépenser.
S’il fonce en voiture (il s’est fait flasher à 171 kilomètres-heure), Jean-Paul Huchon, le président de l’Ile-de-France, aime aussi le vélo : la région subventionne, pour 300 000 euros, une piste cyclable à Santiago du Chili. Les collectivités flambent : 219,5 milliards d’euros cette année. A elles seules, les communes et leurs intercommunalités ont accru leurs budgets de 19 milliards d’euros constants en dix ans, sans que la décentralisation leur donne de nouvelles obligations. Comme les régions et les départements, elles ont recruté à tour de bras et ont abondamment gaspillé l’argent public. Démonstration.
La Bourgogne creuse un gouffre pour la fibre optique = 660 millions
Nombre de collectivités, comme l’Aveyron, la SeineMaritime ou la Meuse, veulent déployer l’Internet à très haut débit par fibre optique. Mais aucune n’affiche les ambitions de la Bourgogne, qui souhaite installer 965 000 lignes (90% de la population) d’ici à 2025, moyennant 880 millions d’euros. La location du réseau aux opérateurs rapporterait certes 220 millions, mais la différence serait payée sur fonds publics. Selon une convention en négociation, l’Etat verserait 200 millions, soit 440 millions à régler par les collectivités locales. A deux ans du début des travaux, cela semble démesuré à beaucoup d’élus, y compris au PS, majoritaire au conseil régional. Les débuts du haut débit bourguignon ont de quoi les inquiéter : la région a déjà investi 10 millions d’euros pour semer des antennes Wi Max (un Wi-Fi à grande échelle) dans la campagne. Au lieu des 160 000 abonnés espérés, le service en a conquis 1 500… E.W.
Le budget du lycée hôtelier de Basse-Normandie est indigeste = 50 millions
Entre deux options, nos élus ont une fâcheuse tendance à choisir la plus chère. Ainsi à Hérouville, près de Caen, le lycée hôtelier Rabelais doit s’agrandir pour intégrer une école de boulangerie et un internat. Mais, au lieu de créer une annexe dans une ancienne école toute proche, Laurent Beauvais, président (PS) de la Basse-Normandie, a préféré un projet pharaonique : un nouveau bâtiment de 200 mètres de long, avec une façade censée rappeler la mie de pain. Si complexe qu’aucune entreprise ne s’en tire à moins de 50 millions d’euros. Il est encore temps de changer d’avis, d’autant qu’il faudrait aussi remettre au pot pour reconvertir l’ancien lycée, âgé de seulement de 15 ans. T.B.
Au conseil général du Var, les congés des agents sont bien payés = 23,6 millions
Trois chambres régionales des comptes (Ile-de-France, Auvergne et Midi-Pyrénées) vérifient régulièrement le temps de travail des fonctionnaires territoriaux et dénichent des cas où le nombre d’heures annuel n’atteint pas le minimum légal. Mais quand leurs homologues des autres régions donnent un coup de sonde, elles trouvent aussi : dans le Var, un récent rapport a ainsi établi que le conseil général accordait à ses agents 59 jours de congé par an, soit 12 de plus que prévu par la loi, pour un coût annuel de 10 millions. Par ailleurs, les arrêts maladie représentent en moyenne 18,6 jours d’absence par agent et par an, soit 13,6 millions d’euros pour 4 330 salariés. A quand un véritable audit national ? E.G.
Bidules et placards : 52 millions d’euros d’économies possibles
L’administration a toujours adoré les comités Théodule et autres organes fantaisistes. Inventaire avant nettoyage.
Après deux siècles d’une existence discrète, l’un des plus beaux placards dorés de l’Etat vient de disparaître : le corps des inspecteurs de l’académie de Paris, créé à la fin du premier Empire, a été dissous le 28 octobre dernier. Ont notamment été démis de leur fonction Arnaud Teullé, ex-conseiller de Nicolas Sarkozy à la mairie de Neuilly, Nathalie Briot, ancienne de Matignon sous Villepin, et Jean-Yves Cerfontaine, un cacique du Parti socialiste installé là par François Mitterrand. N’inspectant rien – à la différence des «vrais» inspecteurs d’académie – ce service de l’Education nationale servait surtout à recaser des collaborateurs du pouvoir politique après chaque alternance. En les rémunérant grassement, qui plus est : 4 500 euros par mois au bas mot. La preuve est donc faite que l’on peut venir à bout des comités Théodule les mieux enracinés ! Mais il reste du pain sur la planche. Au dernier recensement, il restait en France quelque 680 commissions, instances consultatives, observatoires et hautes autorités.
Eric Wattez
Le Haut Conseil de l’éducation fait de la résistance = 123.000 euros
Fin 2009, Lionel Tardy, député UMP de Haute-Savoie et grand pourfendeur des «machins», faisait voter la suppression du Haut Conseil de l’éducation (HCE). Cet organe consultatif de neuf membres, créé en 2005 pour émettre des avis sur la pédagogie, a toujours doublonné avec le Conseil supérieur de l’éducation (CSE), instauré, lui, en 1989. Las ! Les sénateurs ne l’ont pas suivi, ni les députés en seconde lecture, après une intervention du gouvernement. «Les quelques rapports du HCE ne pèsent pourtant pas lourd face à la production du CSE, de l’Inspection générale de l’éducation nationale ou de l’Inspection générale de l’enseignement supérieur et de la recherche», lâche, dépité, Lionel Tardy. Le Haut Conseil est donc toujours là. Même s’il a été un peu réduit, son budget reste confortable, à 123 000 euros en 2010. De quoi payer huit collaborateurs permanents, commander des études, y compris à des experts étrangers (comme «Les élèves sans qualification dans les pays de l’OCDE»), et indemniser les neuf «sages». Le président Bruno Racine, par ailleurs patron de la Bibliothèque nationale, touche 2 170 euros par mois. Les autres ont droit à un dédommagement de 103 euros à chaque séance mensuelle, à l’instar de Michel Pébereau, P-DG de BNP Paribas, et Christian Vulliez, ancien directeur de HEC.
Le Conseil des affaires étrangères ne déborde pas d’activité = 2 millions
«Une instance d’évaluation et de proposition», voilà comment l’on définit au Quai d’Orsay l’énigmatique Conseil des affaires étrangères. «Un placard doré pour diplomates qui ne sont pas en cour», rétorque le député du Nord Christian Vanneste (UMP), qui s’intéresse de près aux «instances inutiles». Toujours est-il que ce machin qui ne publie aucun document public compte dix hauts fonctionnaires dans ses rangs, dont certains anciens ambassadeurs, comme son actuel président, Claude Martin, qui fut un temps en poste à Berlin. Problème, ce genre de personnage touche parmi les plus hauts salaires de la fonction publique, parfois au-delà de 20 000 euros par mois. Vraiment beaucoup pour ne pas faire grand-chose.
Photos © REA