A CONTRESENS
Chambres occupées
Essayez de trouver un gîte pour la nuit sur la Côte d’Azur en plein mois d’août. A la question : « Avez-vous une chambre ? » neuf fois sur dix, l’hôtelier vous répondra : « il n’y a pas une seule chambre libre, elles sont toutes occupées ». Vous n’avez alors d’autres solutions que le repli sans gloire vers le terrain de camping qui affiche complet….
Pourquoi les chambres de nos hôtels ne sont-elles pas disponibles ? Qui les occupent indûment ? Pourquoi leurs portes restent-elles fermées ? A quoi bon attirer les touristes s’il n’y a pas d’abris pour les accueillir ! On ne peut décemment leur proposer l’hôtel « multiple étoiles » : en l’occurrence, la belle étoile… Pas d’autres solutions que d’appeler à une insurrection des chambres pour qu’elles chassent l’occupant. Des tracts furent placardés sur toutes les portes : «Chambres occupées, libérez-vous, sortez de vos gonds, vos portes ne sont pas condamnées alors défoncez-les au besoin et expulsez les importuns ! » Sur tout le territoire, la révolte gronda : un pays dont toutes les chambres sont accaparées par on ne sait qui, est une honte nationale. Sentant son pouvoir vaciller car la situation lui échappait, le gouvernement lança solennellement cet ultimatum : « Toutes les chambres doivent être évacuées avant midi, sinon les portes seront forcées et, si nécessaire, on pénétrera par la fenêtre. »
Ainsi, un vent de liberté souffla : d’abord les chambres à air se dégonflèrent les premières, en sifflotant. Les chambres de commerce et d’industrie, les chambres de métiers et d’artisanat et les chambres d’agriculture ouvrirent leurs portes au public. La chambre des députés, il est vrai, peu occupée et devenue depuis des lustres, simple chambre d’enregistrement, s’était dissoute d’elle-même. La chambre bleu horizon resta introuvable. Malgré quelques récalcitrantes comme la chambre forte, la chambre froide et la chambre noire, toutes les chambres furent délivrées et chaque hôtelier put déclarer fièrement : « Oui, toutes mes chambres sont libres ».
Quant à moi, pour qu’elle ne soit plus abusivement occupée, je garde la chambre.
Gérard
***********************************************************************************************
Trop mignon la langue française …
AVOIR et ÊTRE
Loin des vieux livrees de grammaire, écoutez comment un beau soir
Ma mère m’enseigna les mystères du verbe être et du verbe avoir.
Parmi mes meilleurs auxiliaires, il est deux verbes originaux
Avoir et Être étaient deux frères que j’ai connu dès le berceau.
Bien qu’opposés de caractère, on pouvait les croire jumeaux
Tant leur histoire est singulière mais ces deux frères étaient rivaux.
Ce qu’Avoir aurait voulu être, Être voulait toujours l’avoir
A ne vouloir ni dieu ni maître, le verbe Être s’est fait avoir.
Son frère Avoir était en banque
Et faisait un grand numéro
Alors qu’Être, toujours en manque
Souffrait beaucoup dans son ego.
Pendant qu’Être apprenait à lire et faisait ses humanités
De son côté sans rien lui dire, Avoir apprenait à compter.
Et il amassait des fortunes, en avoirs, en liquidités
Pendant qu’Être, un peu dans la lune, s’était laissé déposséder.
Avoir était ostentatoire lorsqu’il se montrait généreux
Etre en revanche, et c’est notoire, était bien souvent présomptueux.
Avoir voyage en classe Affaires et met ses titres à l’abri
Alors qu’Être plus débonnaire, ne garde vraiment rien pour lui.
Sa richesse est tout intérieure
Ce sont les choses de l’esprit
Le verbe Être est tout en pudeur
Et sa noblesse est à ce prix.
Un jour à force de chimères pour parvenir à un accord
Entre verbes ça peut se faire, ils conjuguèrent leurs efforts.
Et pour ne pas perdre la face au milieu des mots rassemblés
Ils se sont répartis les tâches pour enfin se réconcilier.
Le verbe Avoir a besoin d’Être, parce qu’être c’est exister
Le verbe Être a besoin d’avoirs pour enrichir ses bons côtés.
Et de palabres interminables en arguties alambiquées
Nos deux frères inséparables ont pu être et avoir été.
Yves Dutheil
Joli non ?
*******************************************************************************